Selon Mr Beji Caid Essebsi (aka B.C.E), les déclarations de Rajhi, conjugués au travail d'un parti politique occulte que l'on connaît tous -mais dont on tait le nom- ont mis le feu au pays. Mr B.C.E accuse Mr Rajhi d'être irresponsable, et de divulguer une théorie de complot. Cette divulgation , parait-il, n'est en fait qu'un complot, et Mr Rajhi en fait partie. Les gens de la presse aussi, en amplifiant les choses. Ils parlent de martyrs et de snipers, parait-il. Il y en a même ceux qui laissent croire que des policiers avaient tué des manifestants. Faux. Il y a bien des martyrs, et le fautif s'appelle ZABA. C'est pourquoi les journalistes ont été un peu titillés, vendredi et samedi derniers. En résumé, toujours selon le B.C.E, il s'agit d'un complot, dont l'angle de base est une théorie de complot. Assez philosophe le Sebsi. Rassurant.
Combattre une théorie de complot, par une théorie de complot encore plus complexe, tel a été le choix de Sebsi (et le sebsi n'y est pour rien, c'est Imed Trabelsi qui a été condamné). Mr B.C.E a donc choisi de résumer la vague de contestations dernière à une simple réaction d'imbéciles lobotomisés à des déclarations non fondées. Ce qui ne manque pas de rappeler un certain passé proche, et un réflexe qui a fait le déclin d'un kleptocrate déchu. Il n'est pas ingénieux que de rappeler que toute contestation a son fondement socio-politique, des malaises qui poussent les gens à sortir et affronter. Réduire celà à une chimère de manigance d'un parti et X et Y, est à la fois une insulte envers les gens qui protestent, et un signe d'autisme politique clair. Rajhi avec ses déclarations a été un déclencheur. Et un déclencheur ne devrait pas être considéré comme LA cause du malaise, ni même son expression. Bouazizi a été un déclencheur, mais les émeutes ont fait rage un peu partout parce qu'il y a un malaise socio-politique plus profond qui frappe le pays et qui s'est gravement accentué les dernières années. Non pas seulement parce que Bouazizi s'est immolé, mais surtout parce que des milliers se sont identifiés à lui.
Laissons celà de côté, et revenons à ce cher B.C.E. Mr le premier ministre, au fait, a fini par faire exactement ce qu'il a reproché à Rajhi. Il a usé de la logique des rumeurs, pour faire une transposition de pression politique. Assez ingénieux pour défendre sa position, mais est ce ingénieux pour le reste du pays?? Au fond, le manque de transparence n'est il pas un facteur de base qui a participé à allumer le feu? Car , c'est le manque de transparence qui fait en sorte que n'importe quelle parole lancée ici ou là, prenne le poids d'une vérité. Et la rumeur n'est qu'une parole non fondée présentée comme vérité/information sure. Cette parole ne peut exister que dans un atmosphère ou ce que l'on énonce n'est pas rigoureusement vérifiable. Par exemple, ce que Rajhi présenta en tant que "gouvernement d'ombre", est une parole invérifiable rigoureusement. Celà peut être vrai, mais reste invalide, car ce n'est pas fondé ni appuyé. Mais Rajhi s'est exprimé en tant que "personnalité" non en tant que "responsable officiel", ce qui allège sa charge. De l'autre côté, ce que B.C.E présenta comme explication aux émeutes est régi par la même logique. Un parti aurait tout fait pour semer la zizanie, appuyé par des journalistes etc.. Cette parole aussi, lors de son énonciation, est invérifiable rigoureusement. Celà peut aussi être vrai, mais reste invalide, d'ou le statut de rumeur. Et B.C.E est un premier ministre, responsable officiel d'un état que Mr B.C.E prétend défendre la notoriété. Par contre, et dans le même contexte, la répression policière elle, que l'on a vu durant le weekend, est une information et un fait. Images, vidéos, et traces à l'appui.
Mr B.C.E aurait pu comprendre de l'engouement qu'ont connu les déclarations de Rajhi qu'une partie du peuple tunisien n'a pas confiance en son gouvernement, parce que ce dernier n'a pas encore donné des indices qui peuvent lui faire gagner la confiance des gens. Lui, qui est censé être politicien chevronné (surtout avec les 14 ans passés au Ministère d'Intérieur en contact direct avec les tunisiens), aurait pu trouver le moyen de donner aux gens ces signes de confiance. Bizarrement il ne s'en est tenu qu'aux paroles et au ton, un peu sarkozyste aux bords parfois. Quant aux faits, Mr B.C.E a préféré s'en tenir au secret total, au nom du prestige de l'Etat. Sauf que B.C.E a surement dû rater de constater que, si les paroles étaient efficaces dans les années 60 et 70, elles ne le sont plus en nos jours. De nouvelles générations, nées devant la télé et les ordinateurs, sont là. Devant une absence d'information claire, et un manque de transparence par rapport aux mécanismes de prise de décision, ainsi beaucoup d'autres facteurs que je ne peux énumérer ici, il est normal que les gens soient réceptifs à des propos tels que ceux tenu par Mr Rajhi, aussi infondés soient ils. Des enquêtes qui commencent sans pour autant aboutir à des résultats, ni même une visibilité par rapport à l'avancement des enquêtes, ça laisse voire une absence de volonté politique claire pour trancher avec un passé ou l'Etat était étanche et imperméable. Et sur ce coup là, l'actuel gouvernement provisoire a largement échoué. Au point que l'explication la plus facile et évidente est qu'il y ait des agendas non déclarés. Et ce n'est pas rassurant.
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